Les Bi sont-iels plus vulnérables aux violences sexuelles ?

Chiffres et résumés du rapport “Lesbiennes, gays, bisexuel•le•s et trans (LGBT) : une catégorie hétérogène, des violences spécifiques”de Mathieu Trachman et Tania Lejbowicz, Enquête Virage, 2020.

Lien vers le rapport

Conduite par l’Institut National d’Etude Démographique et réalisée en 2015 auprès de 27 000 femmes et hommes en France, l’enquête Violences et rapports de genre (Virage) a pour spécificité d’interroger à la fois les femmes et les hommes, et « rend possible la comparaison des déclarations avec l’analyse de l’effet des normes de genre sur les violences auxquelles femmes et hommes sont confrontés ». Elle est complétée par des enquêtes sur Internet afin d’atteindre des populations difficiles à identifier, tel·les que les Bi+.

En montrant une spécificité de la vulnérabilité bi dans ce qui suit, notre objectif n’est pas de nier les violences que subissent les autres orientations sexuelles, qui peuvent être pires sur d’autres aspects de leurs expériences. Les LGBTI+ et les femmes en général subissent toustes le même système hétéro-patriarcal, et doivent être unies pour le combattre.

Une des données rapportées par l’enquête est que les hommes et femmes Bi+ déclarent subir davantage de violences sexuelles dans l’espace public que les hétéros, gays et lesbiennes. C’est également le cas des personnes trans. Ces résultats sont visibles dans cette enquête parce que les catégories bi et homo ne sont pas confondues, contrairement à de nombreuses autres enquêtes de recherche qui invisibilisent les vulnérabilités spécifiques des bi et des homo.

Enquete virage 2020 tab 6

Quelles explications à cette vulnérabilité plus importante? Mathieu Trachman et Tania Lejbowicz avancent une première hypothèse : les personnes trans et bisexuelles remettent en cause des normes encore très fortes en France, «l’assignation au sexe de naissance et l’exclusivité du choix sexuel», ce qui donne lieu à des «rappels à l’ordre» par l’usage de la violence à leur égard. Si l’homosexualité est de mieux en mieux acceptée et normalisée, ce n’est pas vrai de toutes les catégories LGBT.

«Ce sont finalement les deux groupes les plus difficiles à saisir et à catégoriser qui semblent être dans des situations de vulnérabilité spécifique : le lien n’est sans doute pas fortuit. On peut faire l’hypothèse que l’assignation au sexe de naissance et l’exclusivité du choix sexuel, que questionnent les trans et les bisexuel·le·s, sont, plus que le désir pour une personne de même sexe, des normes fortement instituées dont la transgression suscite incompréhensions et rappels à l’ordre. Plus généralement, il faut souligner le déficit de représentations sociales, ou les nombreuses représentations sociales négatives dont les bisexuel·le·s et les trans sont l’objet. Les évolutions juridiques et sociales en matière d’homosexualité ont abouti à une relative normalisation de l’homosexualité, en particulier masculine, une reconnaissance en tout cas partielle et une acceptation, parfois de principe (Fassin 2005). Cette évolution, qui porte plutôt sur la reconnaissance d’un désir pour le même sexe, ne touche que peu les bisexuel·le·s et les trans.»

Une deuxième hypothèse avancée par le rapport tient à l’absence d’espace de sociabilité bi, ce qui expose d’autant plus les bi à subir des violences car iels sont contraint·es de fréquenter des espaces « plus mixtes et potentiellement plus violents » à leur égard.

Enquete virage 2020 tab 7

Ceci s’observe notamment dans les déclarations des femmes bisexuelles : « le groupe qui déclare le plus de violences dans l’espace public est celui qui déclare le moins de stratégies d’évitement. On peut penser que les femmes bisexuelles investissent des espaces de sociabilités plus mixtes et potentiellement violents, mais qu’elles n’en ont pas nécessairement d’autres. »

Quelles conclusions peuvent tirer de cette enquête les militant·es et allié·es des Bi+ ? La lutte spécifique des BiPan pour des espaces et des revendications propres est nécessaire pour diminuer les violences qui les touchent particulièrement. Ce n’est pas parce qu’une société est moins homophobe qu’elle est automatiquement moins biphobe (ou moins transphobe).

Si toi aussi tu veux faire diminuer ces violences envers les Bi+, rejoins-nous !